Le Canada risque-t-il de sombrer dans la stagflation?

septembre 15, 2022

The outside of a building

Alors que nous continuons de vivre avec des niveaux d’inflation élevés qu’on n’avait pas vu depuis des lustres et que l’on constate un ralentissement de la croissance économique, le thème de la « stagflation » est à nouveau à l’honneur. En juin, la Banque mondiale a révisé à la baisse ses prévisions de croissance économique mondiale pour l’année 2022. Elle met en garde que diverses économies majeures au niveau mondial pourraient être menacées par la stagflation. Par conséquent, certains investisseurs se demandent si nous traversons une période de stagflation ici chez nous?

Qu’est-ce que la stagflation?

Le terme « stagflation » est issu d’une combinaison des mots « stagnation » (une longue période de faible croissance économique) et « inflation » (la hausse générale des prix des biens et des services au sein d’une économie), qui est largement apparue pour décrire la situation économique des années 1970 et du début des années 1980. Habituellement, il y a inflation lors de périodes de forte croissance économique et de faible taux de chômage, lorsque l’augmentation de la demande provoque la hausse des prix des biens et des services. Toutefois, la période de stagflation des années 1970 fut une période où l’inflation était élevée, l’activité économique ralentissait et le taux de chômage était élevé, en partie en raison des chocs liés aux prix des produits de base et à des erreurs de politique économique.

Dans les années 1970, le prix du pétrole a connu un essor fulgurant en raison d’une série de chocs pétroliers, à la suite de l’embargo de l’OPEP en 1973 et de la révolution iranienne en 1979. Diverses erreurs de politique budgétaire et de politique monétaire ont aussi été commises. Au début des années 1970, l’inflation augmentait déjà en raison de la hausse des dépenses gouvernementales. Les banques centrales ont conservé leurs politiques monétaires accommodantes en maintenant de faibles taux d’intérêt et en augmentant la masse monétaire, en espérant que cela contribuerait à la baisse des taux de chômage élevés. Cela a plutôt contribué à aggraver le problème de l’inflation. À la fin de la décennie, Paul Volcker a pris la relève à titre de président de la Réserve fédérale des États-Unis et a permis au taux des fonds fédéraux d’augmenter à plus de 20 % afin de mettre fin aux poussées inflationnistes, mais ce ne fut qu’après presque une décennie d’inflation continue. Ce choc a eu des conséquences économiques plus graves.

Certains comparent la situation d’aujourd’hui à celle des années 1970 en raison des « chocs de prix » brusques que nous subissons dans le secteur énergétique et celui des autres produits de base. Elle survient dans la foulée d’une importante politique monétaire et budgétaire expansionniste, qui rappelle celle des années 1970. Puisque les banques centrales procèdent à un resserrement plus rapide de leurs politiques monétaires, nous sommes maintenant confrontés à la perspective d’un ralentissement de la croissance.

La stagflation est-elle imminente?

Il est indéniable qu’une partie importante du monde traverse une période où l’inflation est supérieure à la moyenne et où l’on constate un ralentissement de la croissance. Plus près de chez nous, une grande partie des perspectives économiques dépend de ce qui adviendra de l’inflation à court terme. Si l’inflation montre des signes de ralentissement, les banques centrales peuvent adopter une approche moins agressive dans leur façon d’aborder la hausse des taux d’intérêt, ce qui atténuera probablement les conséquences économiques de celle-ci. Toutefois, pour l’instant, on craint que des hausses énergiques de taux risquent de mener à une récession si elles se poursuivent.

Ici, au pays, les opinions divergent sur les risques de stagflation. Dans un récent article paru dans les médias, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a laissé entendre que le choc des prix des produits de base que nous connaissons aujourd’hui mènera au ralentissement économique et à la stagflation.1

Toutefois, d’autres personnes sont d’avis que la situation actuelle est bien différente de celle des années 1970. Une des raisons tient au fait que les banques centrales ont pris des mesures crédibles pour essayer de modérer l’inflation, tandis que tout au long des années 1970, des mesures semblables étaient à peu près inexistantes. En outre, la hausse des prix des produits de base n’atteint pas réellement le niveau constaté dans les années 1970, alors que les économies dépendaient beaucoup plus du pétrole. Contrairement à ce qui produisait à l’époque, les bilans des sociétés et des consommateurs demeurent solides.

On doit aussi tenir compte du fait que l’économie canadienne est peut-être mieux placée que ses pairs pour relever les défis d’aujourd’hui. Notre production énergétique nationale et notre accès à un large éventail de produits de base continueront de soutenir la production économique. En Europe, de nombreux pays dépendent des importations d’énergie et d’autres produits de base, en particulier de la Russie, ce qui exerce une importante pression à la baisse sur leurs économies. En outre, dans certains marchés, le taux de chômage élevé est préoccupant : L’Espagne et la Grèce ont des taux de chômage d’environ 13 %.2

Bien que l’on s’attende à ce que les taux d’intérêt continuent d’augmenter à court terme, une hausse progressive des taux pourrait ne pas avoir d’incidence défavorable sur nos marchés du travail. Les taux sont maintenus à des niveaux artificiellement bas depuis de nombreuses années et ils devaient augmenter. Pour l’instant, les marchés du travail restent solides; les dernières statistiques indiquent que notre taux de chômage a chuté à son plus bas niveau jamais enregistré à 5,3 %.3 Au début des années 1980, le taux de chômage se situait autour de 8 % en moyenne, tandis que l’inflation atteignait un sommet de 12,5 %.1

Une dernière réflexion

Peu importe votre point de vue sur la stagflation, en tant que conseillers, nous croyons qu’il est important que les investisseurs se souviennent que les économies, comme les marchés, ont un caractère cyclique. Même si nous n’en avons peut-être pas l’impression aujourd’hui, nous allons traverser cette période économique difficile. Les périodes de repli ont toujours été suivies par de nouveaux élans de croissance, par une expansion économique et, du point de vue des investisseurs, d’une hausse du cours des actions. Il y a peu de raisons d’envisager autre chose dans le présent cycle.

1. https://www.theglobeandmail.com/business/article-what-is-stagflation-definition-world-bank/
2. Données du mois d’avril 2022. https://www.destatis.de/Europa/EN/Topic/Population-Labour-Social-Issues/Labour-market/EULabourMarketCrisis.html
3. Données du mois de mars 2022. https://www.cbc.ca/news/business/jobs-march-canada-1.6413073

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